Toujours
chaleureuse et passionnée, fervente adepte du métissage,
la chanteuse a entraîné son public sur la route de Marrakech.
Des lanternes
sur le devant de la scène, une calligraphie arabe projetée
sur un mur, un solo de guitare andalouse, en ouverture dans le clair-obscur
: la grande salle de la Filature recevait Sapho mardi soir. Invitée
pour la troisième fois à Mulhouse, la chanteuse, pionnière
de la world music française, n'a pas manqué ses retrouvailles
avec son public. La salle était comble, et fervente. «
Mulhouse, c'est toujours un souvenir spécial pour moi »,
affirme-t-elle. La route nue des hirondelles, c'est le titre de son
dernier album et celui de ce spectacle, où les racines méditerranéennes
de la chanteuse, qu'elle camoufla longtemps sous un son rock et dur,
s'expriment désormais pleinement. Drapée dans un manteau
bordeaux, qu'elle tombera vite, jupe gitane, bustier noir, Sapho est
danseuse andalouse ou conteuse des mille et une nuits. La présentation
de ses musiciens résume bien le métissage de ses amours
musicales : il y a là un Algérien de Marseille, un Patagon,
un Américain du Nord « quand même intelligent »,
un gitan de Madrid « avec un rapport au temps très africain»...
Danse
avec les Gnawas
Guitares et percussions (derbouka et Cajon) accompagnent le chant de
Sapho, qui commence en murmure et finit en cri. Français, arabe
et espagnol se mêlent, mais la voix, puissante, ne flanche jamais.
La chanteuse est méditerranéenne, dans sa chaleur, ses
excès et ses amitiés. Elle danse, tournoie, saute à
pieds joints, se traîne à genoux. Elle envoie des lettres
à une amie algérienne, Zou, Zoubida ou au cinéaste
gitan Tony Gatliff : Maman, j'aime les voyous. Et, dans son champ de
bataille amoureux, « faut qu'ça saigne ». Mais la
vraie vedette de ce nouveau spectacle, c'est la ville de son enfance,
Marrakech et « ses ombres tremblantes », où petite
fille juive, elle fit la première expérience de l'exclusion.
Marrakech entre en scène à mi-parcours sous la forme d'un
trio de musiciens et chanteurs Gnawas -guérisseurs descendants
d'esclaves soudanais. Les Gnawas entraînent vite le public dans
leurs transes musicales. Les pompons des tarbouches tournent, le tambour
s'emballe. Une dizaine de spectateurs, hommes, femmes, enfants, montent
sur scène, et dansent. Sapho rit, de son rire inimitable. Imite
la cocotte-minute : « Comme on est entre nous...» Elle n'attend
pas qu'on la rappelle pour offrir comme cadeau d'adieu une nouvelle
chanson composée cet été, qu'elle présente
sur scène pour la première fois. Seule à la guitare.
Juste accompagnée des battements de mains des Gnawas.
H.P.