16/11/2004

Concert à l'IF de Fès : Sapho a subjugué le public fassi (11/4/2004)

Sapho, l'oiseau des scènes, a fait un tabac au café littéraire de l'Institut français de Fès. Sa voix et sa musique ont porté aux nues plus d'un parmi ceux qui sont venus apprécier le résultat de son séjour en résidence d'artistes à l'IF de Fès.
Une voix aux tons âpres mêlée à des rythmes enchanteurs a raisonné dans les quatre coins des lieux. Que faut-il de plus pour créer une ambiance solennelle et béatifiée comme celle qui a régné ce jour-là ? Rien n'a été laissé au hasard. L'endroit était magnifique et se prêtait merveilleusement à ce genre de soirée. Quant aux paroles, elles étaient ciselées de manière à interpeller le public sur l'actualité politique brûlante.
Chantant tantôt l'amour, tantôt les conflits qui ébranlent le monde, tantôt la paix, les acclamations ne se sont à aucun moment émoussées. Normal. La chanteuse est de cette trempe d'artistes qui ne font pas les choses à moitié.
Si le salut est au bout des peines que provoquent les remises en question de soi, il lui importe peu de choquer. Sapho s'est évertuée à bannir de sa vie les frontières qui cantonnent l'être dans un horizon fort restreint au risque de déplaire. Toute la richesse vient de l'autre et de l'acceptation de la différence. Cosmopolite, elle est devenue et le restera coûte que coûte.
Aujourd'hui, la chanteuse de confession juive n'a pas peur de crier à la face du monde qu'elle est à la fois juive, marocaine, française et arabe. Quoique sa vraie identité, celle qui l'emporte sur toutes les autres, demeure la musique.
Native de Marrakech, Sapho, de son vrai nom Dona Esther Daniel, s'envole vers d'autre cieux. Elle jette l'ancre en France où elle se laissa imprégner des musiques occidentales, notamment le Rock. Elle emprunta à la poétesse grecque le nom de Sapho et se voua à la vie scénique et à l'achèvement d'albums. Elle subit sa destinée de rockeuse jusqu'à ce que ses origines la hantent. «C'était en 1980, j'embarquais pour la Tunisie, et tout à coup je me suis mise à pleurer en écoutant de la musique arabe». C'est là que le passé surgit. Des airs à cent pour cent marocains firent surface. Sa musique fut, de ce fait, marquée du seau des rythmes orientaux.
Elle vole de scène en scène, chante des versets savoureux et séduit un large public ici et ailleurs. Elle s'ingénia à verser dans son album «la route nue des hirondelles» tous les sentiments nostalgiques qui nourrissent son cœur et son âme. Son enfance resurgit et l'amène à revoir certaines notions.
Elle s'est investie corps et âme pour la grande communion du Rock et des rythmes purement maghrébins aujourd'hui courante, mais qu'elle fut une des premières à célébrer. Frédéric Mitterrand disait d'elle «Mais nous vivons des temps heurtés et confus où la musique est le dernier rempart pour vivre à l'abri de la solitude et de l'abandon. Alors c'est là qu'elle nous donne maintenant rendez-vous. Elle y monte la garde comme une guerrière et pour ceux qui l'écoutent à ses pieds, elle les soulève comme des rebelles, les galvanise comme des soldats et les apaise comme des amants”.
Si Sapho est ce qu'elle est aujourd'hui c'est en partie grâce à sa personnalité forte, rebelle et «guerrière». Elle l'est pour ce qu'elle a osé faire. Elle a, pour commencer, sympathisé au nom de la justice avec les Palestiniens. Ce qui lui a valu le courroux des siens. Elle a, pour finir, béni le mariage de deux styles musicaux (rock et rythmes orientaux) jusque-là demeurés incompatibles.

S. Alaoui