Dimanche 16 Janvier 2005

L'advenir de Sapho

© Dernières Nouvelles D'alsace



photo DNA - Philip Anstett

Au terme d'une résidence d'une semaine, Sapho donne à la Filature un aperçu de son « chantier en cours ».
Discrète, Sapho travaille dans l'ombre. Dans la nuit aussi, avec les six musiciens qui l'accompagnent sur son nouveau projet. Une exploration, pour « montrer le destin d'une chanson. Montrer que ce n'est pas un produit ficelé et tout cuit, mais une création qu'il faut travailler encore et toujours, une recherche d'écriture, d'orchestration et de mise en son ».

 


Cette expérience, qui doit déboucher à la fin de l'année sur un album fidèle à l'esprit de ce travail, Sapho la mène actuellement à La Filature, après une semaine de résidence à Fez, au Maroc. Mulhouse, donc : « En plus des bonnes conditions de création qu'elle me propose, une amitié me lie à La Filature, avec laquelle plusieurs projets intéressants, dont une intervention en milieu carcéral, ont été conduits déjà ». Y revenir était naturel, avec d'autant plus de plaisir que « les résidences proposées aux musiciens sont assez rares ».

Sans doute est-ce là l'effet de la nature nomade de Sapho, et de ce duende, démon intérieur cher à Lorca qu'elle cite en référence : voilà vingt ans qu'elle conjugue ses racines marocaines avec le reste du monde (Paris, Gaza, Jérusalem, Bagdad, Chicago ou ailleurs), se réfugiant dans « la patrie de la langue ». Des langues, la chanteuse-écrivaine étant polyglotte. « Je tente de tisser des mondes étrangers, à travers les âges ». L'Orient et l'Occident, dont elle revendique l'héritage. Pour mieux s'en départir parfois : « Il faut accepter les distances mais traverser les surdités réciproques ; oser aller aux autres malgré l'inconfort », dit-elle. « Je ne m'intéresse pas aux mythes des origines, mais au devenir. Le trajet m'importe plus que le départ ».

En deux mots : « j'adviens ». Cette philosophie - de la poésie comme « une nudité où chaque mot compte », de l'inattendu « habité », et de l'autre enfin - sous-tend son travail et son propos. Justifie, dit-elle, son parcours. Que Sapho poursuit en gravissant les marches avec une « exigence obsédante », mais dans la « fragilité de l'instant » du partage. Ce moment privilégié, si particulier, propre à « la beauté et la magie du spectacle vivant » que Sapho recherche. Un « instant unique » qu'elle espère, souhaite au rendez-vous de la présentation publique quasi impromptue, ce mardi à La Filature, de son « chantier en cours ».

Nicolas Lehr