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DNA - Philip Anstett
Au terme d'une résidence d'une semaine, Sapho donne à
la Filature un aperçu de son « chantier en cours
».
Discrète, Sapho travaille dans l'ombre. Dans la nuit
aussi, avec les six musiciens qui l'accompagnent sur son nouveau
projet. Une exploration, pour « montrer le destin d'une
chanson. Montrer que ce n'est pas un produit ficelé et
tout cuit, mais une création qu'il faut travailler encore
et toujours, une recherche d'écriture, d'orchestration
et de mise en son ».
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Cette expérience, qui doit déboucher à
la fin de l'année sur un album fidèle à
l'esprit de ce travail, Sapho la mène actuellement à
La Filature, après une semaine de résidence à
Fez, au Maroc. Mulhouse, donc : « En plus des bonnes conditions
de création qu'elle me propose, une amitié me
lie à La Filature, avec laquelle plusieurs projets intéressants,
dont une intervention en milieu carcéral, ont été
conduits déjà ». Y revenir était
naturel, avec d'autant plus de plaisir que « les résidences
proposées aux musiciens sont assez rares ».
Sans doute est-ce là l'effet de la nature nomade de Sapho,
et de ce duende, démon intérieur cher à
Lorca qu'elle cite en référence : voilà
vingt ans qu'elle conjugue ses racines marocaines avec le reste
du monde (Paris, Gaza, Jérusalem, Bagdad, Chicago ou
ailleurs), se réfugiant dans « la patrie de la
langue ». Des langues, la chanteuse-écrivaine étant
polyglotte. « Je tente de tisser des mondes étrangers,
à travers les âges ». L'Orient et l'Occident,
dont elle revendique l'héritage. Pour mieux s'en départir
parfois : « Il faut accepter les distances mais traverser
les surdités réciproques ; oser aller aux autres
malgré l'inconfort », dit-elle. « Je ne m'intéresse
pas aux mythes des origines, mais au devenir. Le trajet m'importe
plus que le départ ».
En deux mots : « j'adviens ». Cette philosophie
- de la poésie comme « une nudité où
chaque mot compte », de l'inattendu « habité
», et de l'autre enfin - sous-tend son travail et son
propos. Justifie, dit-elle, son parcours. Que Sapho poursuit
en gravissant les marches avec une « exigence obsédante
», mais dans la « fragilité de l'instant
» du partage. Ce moment privilégié, si particulier,
propre à « la beauté et la magie du spectacle
vivant » que Sapho recherche. Un « instant unique
» qu'elle espère, souhaite au rendez-vous de la
présentation publique quasi impromptue, ce mardi à
La Filature, de son « chantier en cours ».
Nicolas Lehr |