2008 Paru Vendu
Nouvel Album: "Universelle". Le totem de Sapho »

Incandescente, Sapho ne laisse pas indifférent. Sa personnalité bien sûr, sa musique évidemment. Son nouvel album, « Universelle », déjà dans les bacs, est généreux, comme elle. Mais il est aussi le plus abouti de son riche parcours. Cet album auquel elle s’est attelée voilà quatre ans (le premier qu’elle réalise) est à nouveau un mélange de genres musicaux, comme elle les aime. Elle retourne à ses débuts rock’n’roll, qu’elle associe à d’autres sonorités, plus récentes, voire nouvelles : musiques arabo-andalouses, arrangements argentins, blues francophone. Elle a fait appel à Areski Belkacem, pour quatre titres en particulier : Acre, Replay, Fatima, Souris-moi ; les deux derniers titres étant par ailleurs chantés aussi en darija (marocain). Les musiciens d’Areski sont présents, associés à ceux de Sapho, illustrant là son éternel éclectisme instrumental. C’est ainsi que pour Replay, au rythme particulièrement enlevé et relevé, les guitares andalouses et rock se mêlent et s’entremêlent, tandis que deux instruments traditionnels mariant les origines franco-marocaines de Sapho (accordéon français et viole de Gambe) s’accordent à merveille pour Souris-moi. C’est aussi un album où se succèdent petites et grandes histoires. Les siennes et celles des autres. Rencontres personnelles, comme celle d’avec la petite Loulou sur cet air enfantin de Loup y est-tu ?, ou Francky Goes to NY), à qui elle fait sa déclaration d’amitié (elle insiste : ça existe !). Petit clin d’œil à Fred Astaire pour cette berceuse, Fred As Tair, ce Fred (qui est-il donc ?), dont la tendance serait de trop « se taire » justement, chansons où seuls jouent le piano et le violon, qu’accompagne la voix de porcelaine de Sapho pour mieux l’inviter à lui dire de belles choses. Ou bien encore, Mary Vivo, autre rencontre, autre lieu, qui lui inspirèrent ce titre au rythme rock et blues. Plus graves sont les autres, à l’instar de l’état des hommes et des femmes, comme Fatima, « LA » femme marocaine, que chacun connaît, à qui elle rend un hommage ô combien respectueux et respectable. Ou, Gare guerre gare, composé dans un train (« la gare ») au lendemain d’une soirée passée avec d’autres femmes (marocaines, algériennes et d’autres, car Sapho est universelle), dont les youyous répondent à cette guerre que leur fait l’homme (les hommes) « à l’œil barré », « celui (ceux) qui fait (font) la guerre avant qu’on la lui (leur) fasse »… La peur de l’autre. Toujours et encore. Mais elle a aussi besoin de son Magicien pour mieux l’aider dans ses réveils difficiles (au sens propre comme au figuré…) et mieux faire face à ses cauchemars (nightmares) que lui inspirent Ben Laden et Bush, « ces barbares ». Et elle l’appelle - l’implore - sur un rythme alternant reggae, blues et guitare électrique. Car la tentation de devenir acre, celle de « jeter l’ancre », ou bien même de « se faire le chantre de la haine », n’est jamais bien loin. D’autant que le monde est vaste. Il y a tant à faire, tellement que l’envie de tout laisser tomber nous surprend, et que l’on cherche, l’on tourne et l’on voyage pour se poser quelque part, où l’on pourrait se sentir en sécurité, quelque peu apaisé, un peu du moins, avec finalement à chaque arrêt, cette sensation qu’on n’est jamais chez soi au bout du compte jusqu’à ce que l’on trouve « quelque part un endroit où il y a un ami ». Car le monde est vaste aussi de belles rencontres, au-delà de la différence, autre titre du disque. Et, cet ami (le nôtre en l’occurrence) pourrait bien être ce dernier album de Sapho, dans lequel elle nous « insuffle sa veine ». Et elle le chante : Universelle, c’est « un totem pour qu’on s’aime »…

Isabelle SIBOUT